Crédit : Photo Martin Chevalier / JdeM

Canadiens de Montréal

Sean Farrell: un été hors normes... qui rapporte très gros

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Vous avez 21 ans. On vous annonce que vous toucherez plusieurs milliers, voire millions de dollars répartis sur les trois prochaines années. L’été arrive. Que faites-vous? 

Cette mise en situation, présentée à la très grande majorité des habitants de cette planète (athlètes inclus!), est matière à susciter des réponses aussi loufoques qu’inusitées, où la folie, l’excès et l’abondance agissent comme thèmes centraux. Mais il y a toujours des exceptions... 

Pour l’attaquant des Canadiens Sean Farrell, qui a disputé ses six premiers matchs dans la Ligue nationale de hockey (LNH) à la fin de la dernière saison, la mise en situation exposée en tête d'article s’est transformée en réalité le 26 mars dernier. Ce jour-là, il apposait sa signature au bas du tout premier contrat professionnel de sa carrière de hockeyeur. Durée : trois ans. Valeur : 3 775 000 $. 

Et comment a-t-il meublé son été? 

1. Il a suivi ses derniers cours universitaires et a officiellement décroché son diplôme en économie de l’université Harvard (on y reviendra plus bas, mais quel fabuleux accomplissement!). 

2. Il a ajouté six livres de muscle à sa charpente. 

3. Il s’est rejoué en tête et a mis en pratique les différents conseils des entraîneurs des Canadiens reçus au terme de la plus récente campagne, puis a modifié d’importantes composantes de son entraînement, améliorant du même coup ses attributs physiques. 

«Honnêtement, les choses ne sont pas différentes du tout avec ce contrat, a récemment confié Farrell à l’occasion d’un long entretien téléphonique. Cet été, j’ai mené exactement la même vie qu’avant la signature de l’entente. J’ai dépensé pour de la nourriture et des trucs d’entraînement, mais je le faisais déjà avant. Je n’ai absolument rien acheté de fou. S’il y a des gens heureux que j’aie signé ce contrat, ce sont mes parents. Ils n’ont plus à payer pour mes dépenses (rires)!

«En fait, poursuit-il, ma routine estivale se résume assez facilement. Je me levais à 6h30, puis je me rendais au gymnase. Je m’entraînais quelques heures, je patinais un peu et je rentrais à la maison. J’avais ensuite un cours de 3h. Lorsqu’il se terminait, j’essayais d’avancer mes travaux scolaires le plus longtemps possible, puis je me couchais, car il fallait recommencer le lendemain!»

Une discipline militaire, rien de moins. 

C’est donc ça, la vie des gens riches et célèbres? Habituellement, non. 

Mais c’est malgré tout l’approche choisie par Sean Farrell dans sa quête de succès. Une approche déjà fort payante qui pourrait très bien faire à nouveau la différence dans un futur... pas si lointain. 

«C’est assez fou, quand on y pense»

Qualifier la dernière année du jeune homme d’occupée ne représente absolument rien d’autre qu’un immense euphémisme.

Le choix de quatrième ronde du CH en 2020 a d’abord été impérial dans la NCAA, récoltant 53 points, dont 20 buts, en 34 matchs. Ce total fut le deuxième plus convaincant du circuit derrière celui d’Adam Fantilli, que les Blue Jackets ont sélectionné via le troisième choix au total du dernier repêchage.

Fin mars, la saison de Farrell a pris fin. Il a signé son contrat avec Montréal, puis a disputé ses six premiers matchs dans la LNH, marquant un but.

«Les choses se sont déroulées tellement vite! Je jouais à Harvard et la semaine suivante je disputais mon premier match avec les Canadiens. C’est assez fou, quand on y pense.»

Crédit photo : Martin Chevalier / JdeM

Il faut dire que les changements qu’implique une telle transition sont drastiques. Tant sur la glace... qu’à l’extérieur. 

«Je vivais seul dans une chambre d’hôtel près du Centre Bell. Je dois avouer que c’était très différent de ce que j’avais connu pendant trois ans à l’université, où je partageais tout avec six colocataires. Pour les repas, j’essayais de manger le plus souvent possible via les installations des Canadiens, où d’excellents plats nous sont offerts. Mais sinon, je me faisais livrer des trucs à l’hôtel ou j’arrêtais dans divers restos et commandais sur place.

«Honnêtement, j’ai eu besoin de quelques semaines pour réaliser ce que je vivais, mais aussi pour me sentir à l'aise aux côtés de tous ces professionnels. Globalement, cette période fut complètement folle. Mais elle a aussi représenté tout un défi.»

Bien accueilli par trois joueurs bien précis

Heureusement, insiste le patineur, l’accueil de l’organisation à son arrivée en ville a été sublime. Questionné à ce sujet, il cite d’ailleurs trois joueurs qui l’ont particulièrement et rapidement mis à l’aise. 

«Cole (Caufield), que je connaissais déjà, a été le premier à m’écrire. Nick Suzuki et Chris Wideman ont été les suivants. Ils m’ont transporté un peu partout en ville et ont fait en sorte que je me sente bien. Je leur en suis très reconnaissant. Tout le monde dans le vestiaire a été fantastique.»

«J’ai aussi apprécié l’approche des entraîneurs. Ils m’ont d’entrée de jeu demandé de ne pas craindre les erreurs et de ne pas changer mon style. Bon, il est vrai que tout jeune joueur aura un peu de difficulté à appliquer ce conseil au départ, mais le simple fait de sentir que les coachs étaient ouverts à l’audace et ne voulaient pas me dénaturer a beaucoup aidé.»

Entendre Farrell vanter l’attitude des entraîneurs à son endroit ouvre une porte bien grande : travailler avec Martin St-Louis, c’est comment? L’attaquant avoue avoir été marqué par plusieurs choses, mais l’une d’entre elles sort du lot.

«Je me souviens d’un entraînement matinal précédant un match contre les Maple Leafs où je ne jouais pas. Je faisais du temps supplémentaire et Martin est juste arrivé sans crier gare et s’est mis à tenter de m’enlever la rondelle. Il a ensuite effectué quelques exercices avec moi, puis nous avons discuté. Il m’a beaucoup aidé. C’est l’une de mes idoles de jeunesse et apprendre de lui est extrêmement spécial.»

Les recommandations du CH à Farrell

Vou avez lu plus haut les propos de Farrell où il parlait de «temps pour se sentir à l'aise» et de «défi», à son arrivée à Montréal. Soyons francs: une telle déclaration n’est pas si surprenante, dans le contexte où le petit attaquant, malgré quelques beaux flashs à ses trois premiers matchs dans l’uniforme tricolore, n’a pas particulièrement brillé. Et il est le premier à le reconnaître. 

«Au départ, j’étais très nerveux et je ne gardais pas la rondelle comme j’ai toujours eu l’habitude de le faire. Je précipitais mes actions. Mais plus les matchs s’enchaînaient, plus j’étais confortable. Je commençais à créer de plus en plus de jeux vers la fin. Globalement, je suis très heureux d’avoir acquis cette expérience de la LNH. Ça m’a permis de comprendre ce que je devais travailler cet été.»

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Crédit photo : Photo AFP

Parce qu’au terme de la saison, les entraîneurs et lui ont eu une bonne discussion.

«On m’a dit de prendre de la force pour mieux me sentir lors des duels pour l’obtention de la rondelle. Avec plus de puissance, j’allais pouvoir, m’ont-ils dit, mieux me débrouiller en protection de rondelle et créer plus de jeux en zone offensive.»

«Je pèse dorénavant...»

Dès la fin de cette rencontre, Farrell n’avait qu’une chose en tête : répondre aux exigences de ses patrons. C’est donc avec les paroles du personnel d’instructeurs du CH en tête que le jeune homme a attaqué son entraînement estival. Et les résultats, nous confie-t-il humblement, sont là. 

«Mon entraînement a été dédié à la prise de masse musculaire et au développement de ma puissance brute. J’ai aussi beaucoup travaillé sur la force de mes abdominaux et de mon centre de gravité. Finalement, mon explosion sur patins et mon endurance cardio-vasculaire ont meublé de nombreuses séances. 

«Je me suis assuré de manger beaucoup et j’ai intégré davantage de protéines à mon alimentation. Tout ça, jumelé à l’énergie déployé dans le gymnase, m’a permis de prendre six livres de muscle. Je pèse dorénavant autour de 180 livres.»

Un phénoménal accomplissement 

Le classement mondial des universités du Times Higher Education 2023 présente 1799 universités dans 104 pays et régions. C’est, en date d’aujourd’hui, l’exercice du genre le plus diversifié.

Le palmarès final se base sur 13 indicateurs de performance qui mesurent le rendement d'un établissement dans quatre domaines : l'enseignement, la recherche, le transfert de connaissances et les perspectives internationales. Du solide, quoi. 

Pourquoi ce petit préambule non-sportif en plein cœur d’un article hockey? Tout simplement parce que l’université Harvard, où étudie Sean Farrell depuis trois ans, pointe au deuxième rang de ce prestigieux classement.

Et Farrell avait, lors de notre entretien, d’excellentes nouvelles à nous communiquer. 

«J’ai suivi mes derniers cours cet été et... je recevrai mon diplôme en économie au mois de novembre! C’est génial, parce que je n’aurai plus à me stresser avec tout ça...» 

Bien des joueurs de hockey issus de l’université choisissent de mettre leurs études sur pause lorsqu’ils joignent les rangs d’une équipe de la LNH avant la fin de leur parcours scolaire, se promettant de «terminer tout ça plus tard».

Pour Farrell, cette option n’a jamais été sur la table. Il aura donc, en trois ans s'il vous plaît (!), mis la main sur son diplôme malgré un horaire des plus atypiques et en dépit des standards académiques extrêmement élevés de l'université Harvard. 

«Quand j’ai décidé d’intégrer Harvard, le plan a toujours été d’aller au bout. D’être parvenu à le faire en trois ans, c’est très spécial pour moi. Je recevrai le diplôme par la poste, mais j’aimerais bien, si la situation au hockey me le permet, assister à la cérémonie de graduation qui aura lieu l’an prochain. Ce serait spécial.»

Lorsqu’on lui demande d’où lui vient cette impressionnante rigueur, le dynamique ailier gauche y va de cette réponse. 

«J’ai toujours eu de la facilité à l’école. Et mes parents ne m’ont jamais mis de pression. Ils me rappelaient qu’il était important d’être assidu et sérieux sur le plan scolaire, mais ils m’expliquaient pourquoi et leur soutien a toujours été ultra sain. Ils me disaient que j’étais naturellement doué et que les succès viendraient d’eux-mêmes si j’y mettais les efforts.»

Un objectif clair 

Et comme vous venez de le lire, travailler dur jamais été un problème pour Farrell. Après l’obtention de son diplôme, il vise maintenant un autre gros accomplissement, mais cette fois en tant qu’hockeyeur : s’établir chez le CH et... y contribuer. 

«J’ai connu l’hôtel. Maintenant, mon objectif est de bien faire au camp pour éventuellement pouvoir me dénicher mon chez-moi à Montréal et y rester.»

«C’est certain qu’il y aura de nombreux joueurs de talent qui se battront pour peu de postes et tout le monde aura le même objectif. Mais en même temps, ce sera à moi de démontrer que je suis capable de jouer avec tous ces gars-là.»

Et comment entrevoit-il son futur avec l’équipe, justement?

«J’ai toujours été un fabricant de jeux capable de générer de l’attaque. La LNH est la meilleure ligue au monde, mais je pense qu’en continuant de développer ma force et ma vitesse, mes instincts me permettront de contribuer offensivement avec Montréal. Je travaille fort là-dessus. Je regarde aussi beaucoup de vidéos. Ultimement, je souhaite pouvoir être un joueur que l’équipe utilise partout.»

Crédit photo : Photo AFP

Au moment où le CH avait repêché Farrell en 2020, Cole Caufield n’avait pas hésité à qualifier sa sélection de «vol», via son compte Twitter. Les deux jeunes hommes s’étaient précédemment côtoyés pendant deux saisons au sein du programme de développement américain.

En guise de conclusion, pourquoi pas une petite balle courbe?  

«Un fabricant de jeux comme toi et un marqueur comme Cole... Vous vous connaissez depuis longtemps. Que penses-tu de l’idée, un de ces jours, d’une association entre vous deux sur le même trio?»

«C’est certain que j’aimerais jouer avec Cole, répond Farrell avec un sourire dans la voix. Chaque moment où il touche la rondelle se transforme en chance de marquer, on dirait. C’est un joueur et une personne spéciale. Mais en même temps, je dois commencer par me tailler un poste régulier avec l’équipe.»

Une chose est sûre : il a, cet été, donné tout ce qu'il avait pour y parvenir. Il a aussi sécurisé son avenir en mettant la main sur un prestigieux diplôme. 

Peu importe la suite, Sean Farrell a gagné.