Si Kent Hughes ne trouve pas preneur pour Casey DeSmith avant la fin du camp d'entraînement, le Canadien n'aura d'autre choix que d'amorcer la saison avec trois gardiens au sein de sa formation des 23 joueurs.
Il y a un bail que ça ne s'est pas vu dans le vestiaire du Tricolore. Et deux des derniers gardiens qui l'ont vécu ne gardent pas un souvenir très rose de cette expérience.
«Ce n’est pas ce qu’il y a de plus génial. Ça ne devrait même pas exister.»
Au tournant des années 1970 et au début des années 1980, Richard Sévigny a disputé cinq saisons dans l'uniforme du Canadien. Au cours de trois d'entre elles, il a vécu un ménage à trois. D'abord avec Michel Larocque et Denis Herron. Puis avec Herron et Rick Wamsley.
«Ça ne peut pas marcher. Il n'y a aucun point positif. Ça crée une compétition malsaine à l'interne, a indiqué, en entrevue au Journal, celui qui a gravé son nom sur le trophée Vézina au terme de la campagne 1980-1981. Jouer pour le Canadien, c'est déjà beaucoup de pression. Là, c'est encore pire. Tu ne peux pas te permettre de perdre, sans quoi l'autre va prendre ta place.»
Et on ne parle pas ici de simplement jouer les seconds violons. «L'autre», c'est également celui qui attend de grimper au deuxième rang de la hiérarchie des gardiens.
Steve Penney est bien placé pour le savoir. Après avoir gardé le filet pendant 54 rencontres en 1984-1985, il a dû, la saison suivante, prendre son mal en patience derrière Patrick Roy et Doug Soetaert.
«Il y a toujours un malheureux dans cette situation. Même si tu as les meilleurs gars au monde, c’est sûr que ça ne marche pas, a soutenu celui qui a terminé sa carrière dans l'uniforme des Jets. Il n’y a pas un gardien qui va se contenter d’être troisième.»
Des frictions
À l'époque de Sévigny, c'est Larocque qui en avait gros sur le cœur.
«Il disait que ça faisait six ans qu’il attendait derrière Ken Dryden pour avoir la job. Je lui ai répondu que ce n’était pas de ma faute, que c’était Claude Ruel qui décidait. Et Claude me faisait jouer. Il a demandé à être échangé», a-t-il raconté.
Pour tenter d'éviter les querelles, Penney, Roy et Soetaert avaient dressé un plan précis. Celui qui allait être envoyé dans la mêlée lors du match suivant avait le loisir, à l'entraînement, de demeurer devant le filet autant qu'il le voulait. Les deux autres hommes masqués se partageaient le second. L'accord fut, apparemment, difficile à maintenir.
«Tout le monde va penser que c’est Patrick qui avait la tête forte cette année-là, mais on s’entendait bien. C’était plus Doug qui avait des problèmes. Il voulait toujours être devant le filet malgré l’entente qu’on avait prise tous les trois.»
Ça explique possiblement pourquoi il a changé d'air à la fin de la saison. Comme Penney, d'ailleurs, alors qu'il a été échangé en retour de Brian Hayward, partenaire de Roy pendant quatre hivers.
«Il y avait souvent de petites frictions, a poursuivi Penney. Quand ça allait moins bien dans les matchs, je voulais avoir le filet le plus longtemps possible à l’entraînement pour retrouver mon jeu. Et là, il fallait que je sorte du filet pour laisser la place à l’autre. Ce n'était pas évident.»

Le cas Primeau
Heureusement, le ménage à trois ne devrait être que temporaire cette fois-ci. Tant mieux pour les trois athlètes concernés. Et pour Cayden Primeau, souhaite rappeler Sévigny.
«S’il y a trois gardiens à Montréal et que lui se retrouve à Laval, je suis convaincu qu’il va vouloir partir. En tout cas, si j’étais à sa place, c'est ce que je ferais, a martelé le Montréalais d'origine. Parce qu'avec trois gardiens en avant de lui, il n'aura jamais d'autres occasions.»
Dans ce cas-ci, toutefois, le jeune homme de 24 ans devra porter une partie du blâme. Sa progression a affiché beaucoup d'inconstance depuis que le Tricolore en a fait son choix de septième tour (199e au total) en 2017.