«Oui. Tu verras en octobre.»
Une réponse de cinq mots est rarement satisfaisante pour un journaliste souhaitant raconter une histoire. Mais celle retranscrite plus haut, malgré les apparences, parle énormément.
Elle en dit très long sur l’actuel état d’esprit d’Emil Heineman, à un peu plus d’un mois de l’ouverture du camp d’entraînement des Canadiens.
C’est que cette courte déclaration du jeune homme de 21 ans a fait suite à une question que plusieurs jeunes espoirs contournent souvent poliment, préférant ne pas trop attirer l’attention sur eux : «penses-tu avoir ce qu’il faut pour te tailler un poste à temps plein avec le CH, cette année?»
Il faut quand même avouer qu’Heineman, que Montréal a acquis en 2022 via l’échange de Tyler Toffoli, a une panoplie d’arguments en main pour défendre son évidente confiance.
Débarqué à Laval au printemps dernier en provenance de Leksands (SHL), l’attaquant de 6 pieds 1 pouces et 194 livres (voilà déjà un bon argument!) a tout cassé à ses premiers pas officiels en Amérique du Nord. En 11 matchs de saison régulière, il a récolté neuf points dont sept buts.

Cette prestation, jumelée au solide rendement qu’il avait affiché lors du dernier camp d’entraînement du CH (il s’était grandement distingué lors des matchs intra-équipes et préparatoires auxquels il avait pris part avant de se blesser au pouce le 4 octobre dernier), ont semé une graine dans sa tête, finit-il par avouer en souriant, lorsqu’on le taquine sur la longueur de sa réponse initiale.
«Je n’ai jamais joué de match officiel dans la LNH, mais si je me fie aux trois parties préparatoires où j’ai été utilisé l’an dernier, je suis convaincu d’avoir ce qu’Il faut non seulement pour gagner un poste régulier avec Montréal, mais aussi pour aider l’équipe.»
Et avec qui se voit-il jouer chez le Tricolore, advenant qu’un tel scénario se concrétise?
«Je pense que j’aiderai tous les joueurs avec qui je jouerai, peu importe lesquels.»
Voilà qui a le mérite d’être clair!
Le secret d’un succès instantané à Laval
Pour plusieurs joueurs européens, une période d’adaptation plus ou moins longue est nécessaire lorsqu’ils débarquent en Amérique du Nord.
Heineman, lui, n’en a pas eu besoin.
On le disait, le sympathique patineur, qui aura 22 ans en novembre, s’est montré décisif dès son arrivée avec le Rocket de Laval, en mars.
Comment explique-t-il cela?
«Les gars et le personnel de l’équipe m’ont vraiment bien accueilli. Je me suis senti comme à la maison dès le départ. Les entraîneurs m’ont rapidement mis en confiance à me plaçant sur l’avantage numérique.
«Et honnêtement, je crois que les conditions de jeu en Amérique du Nord sont parfaites pour mon style de jeu. J’ai pu consulter mes statistiques avancées après la saison et un constat m’a sauté au visage : j’ai décoché avec Laval un nombre de tirs beaucoup plus élevé qu’en Suède. Je pense que c’est là un gros avantage que m’apportent les petites glaces : je peux utiliser mon lancer plus régulièrement.»
Et quiconque a déjà vu Heineman en action sait pertinemment que ce fameux lancer est particulièrement violent. C’est en fait l’un de ses plus gros atouts.
«Après la saison, les entraîneurs du Rocket ont été très positifs à mon égard: ils m’ont confié avoir beaucoup aimé me voir décocher régulièrement. Ils aiment la qualité de mon lancer.»
«Je me sens fort!»
La séquence fructueuse du Suédois avec Laval l’a peut-être mis en confiance, mais elle ne l’a pas aveuglé : il sait qu’un poste dans la LNH en 2023-2024 passe par un travail acharné de tous les instants.
Heineman n’a d’ailleurs pas lésiné sur les efforts au cours des dernières semaines.
«Je suis rentré quelques temps chez moi, à Leksand, où j’ai vraiment décroché. Je me suis trouvé une petite cabane dans les bois où j’ai relaxé. J’ai aussi beaucoup pêché. Mais le gros de mon été a évidemment été consacré à l’entraînement.
«Avec mon entraîneur de conditionnement personnel, nous avons établi un horaire rigoureux et strict où j’ai dû me dépasser et travailler dur. Je me sens fort actuellement! Je veux être le mieux outillé possible pour attaquer le camp dans un mois.»

Fait intéressant, Heineman est déjà au Québec. Il s’entraîne depuis quelques jours au Complexe sportif CN de Brossard en compagnie (notamment) de Joshua Roy, Logan Mailloux, Jayden Struble, William Trudeau et Riley Kidney.
On sent à travers ses paroles et actions qu’il n’a qu’une chose en tête : performer.
Quelle sera la plus grande différence entre le Emil Heineman du camp 2023 et celui du camp de l’an dernier?
«Je suis plus mature et plus conscient de l’importance de jouer sur 200 pieds, répond le principal intéressé. Je souhaite être employé dans toutes les situations sur la glace. J’aborderai aussi tout ce qui s’en vient en étant plus calme après l’expérience acquise l’an dernier à Laval. J’espère avoir la chance d’évoluer cette année devant les partisans des Canadiens et aider l’équipe, si on m’en donne l’occasion...»
À l'heure actuelle, tout reste à faire. La compétition sera forte et les postes disponibles, peu nombreux.
Mais s’il y en a eu qui peut surprendre, c’est bien Emil Heineman.
Parlez-en aux gardiens de la Ligue américaine...