La Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) a tenté une percée américaine en 1984 avec l’implantation d’une équipe d’expansion à Plattsburgh, dans l’État de New York.
Mais l’expérience s’est avérée désastreuse. Les défunts Pioneers ont existé pendant seulement 17 matchs avant de disparaître à jamais. Et de tomber complètement dans l’oubli...
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Malgré ce retentissant échec, le circuit Courteau s’est offert une seconde chance en 2003, cette fois dans le Maine, en déménageant les Castors de Sherbrooke à Lewiston.
Les MAINEiacs ont certes connu davantage de succès que les Pioneers, autant sur la glace qu’en terme de popularité, mais on ne peut pas vraiment parler non plus d’une grande réussite.
Au moins, le deuxième essai aux États-Unis a duré bien plus longtemps, soit jusqu’en 2011. Le 31 mai, après sept saisons, la LHJMQ a racheté et dissous l’équipe et a annoncé du même coup l’arrivée d’une nouvelle formation... à Sherbrooke. Retour à la case départ!
Comme les Nordiques...
Neuf ans plus tard, peut-on qualifier cette décision d’échec? «Pas du tout!», martèle le commissaire Gilles Courteau.
«Ce n’est pas un échec lorsqu’une équipe part. Par exemple, la LNH ne peut pas considérer les Nordiques de Québec comme un échec. C’est toujours une question de contexte. Comme ligue, on ne peut pas considérer ça comme un échec», a-t-il indiqué au cours d’une généreuse entrevue téléphonique avec le TVASports.ca. Il était clairement ravi de parler d’autre chose que de la pandémie!
Selon M. Courteau, si l’expérience n’a pas été aussi longue qu’anticipé, ce n’est certainement pas en raison du produit offert sur la glace.
«Au niveau hockey, l’équipe a bien performé. Elle a même remporté la Coupe du Président en 2007. Cette année-là, il y avait de bonnes assistances.
«C’était un bon club sur papier, mais il n’avait pas l’appui de la communauté. Il n’y avait tout simplement pas suffisamment de partisans et de partenaires d’affaires. Financièrement, c’est devenu difficile dans les trois dernières années.»
«Le propriétaire, Mark Just, a subi des pertes monétaires importantes. Pour boucler un budget dans la LHJMQ, 60% de tes revenus doivent provenir de la vente des billets, des abonnements de saison et des loges corporatives. Les 40% qui restent, ça vient de la publicité et des produits dérivés. Au fil des ans, M. Just a eu des déficits importants avec les MAINEiacs.»

Vite, une deuxième équipe!
Visiblement, il manquait de maniaques de hockey justement! L’absence de concurrence en serait la principale cause.
«Dès le début du projet, auquel on croyait beaucoup d’ailleurs, on voulait emmener rapidement une deuxième équipe aux États-Unis pour créer une rivalité. C’est très difficile pour une seule équipe de survivre dans un marché. Ça prend absolument une rivalité. C’est un facteur très important.»
Mais deux partenaires sont nécessaires pour danser... et la LHJMQ n’en a pas trouvé.
Le circuit a cependant travaillé d’arrache-pied pour y arriver. Et il est passé bien près de parvenir à ses fins, mais en vain.
Un nom très connu des amateurs de hockey, nul autre que Raymond Bourque, a exploré cette possibilité.
L’illustre membre en règle du Temple de la renommée du hockey et d’autres propriétaires potentiels souhaitaient implanter une formation dans la région de Boston, au Massachusetts, qui n’est pas située bien loin de Lewiston. À peine un peu plus de 200 kilomètres séparent les deux villes.
Il y a eu plusieurs discussions des deux côtés, mais celles-ci n’ont débouché sur rien de concret. Bourque et son groupe ont finalement abandonné l’idée.
«Il n’y a pas eu de négociations officielles. Nous n’étions seulement qu’à la première étape du projet, a précisé le commissaire de la LHJMQ. Nous avons eu plusieurs discussions avec Raymond Bourque, qui voulait savoir en détails comment ça fonctionnait opérer une équipe. Mais ça ne s’est malheureusement pas concrétisé. Au même moment, il a été embauché par les Bruins (à titre de consultant pour le personnel d'entraîneurs), ce qui a mis fin au projet.»

Valses-hésitations
À l’époque, Bourque avait cependant nié son intérêt. Il doutait même des chances de réussite d’une concession de la LHJMQ dans les environs de Boston.
«Il n'y a aucun plan pour m'impliquer dans l'établissement d'une concession dans la région de Boston. Je sais que mon nom est souvent mentionné, mais à savoir si un club de la LHJMQ fonctionnerait à Boston, c'est une autre histoire, car le hockey collégial y est toujours très populaire. Si jamais l'occasion se présentait, j'examinerais le tout», avait-il affirmé au quotidien Le Soleil en novembre 2004.
Présent au match inaugural à Lewiston en septembre de l’année précédente, Bourque était alors optimiste pour la suite de l’histoire.
«Il y a longtemps que les gens attendaient un tel calibre de jeu ici. Et les joueurs de la région de Boston pourraient se montrer plus intéressés à jouer dans le junior avec une équipe dans la région. Peut-être que le hockey va obtenir la même popularité ici que dans les Maritimes», avait-il dit, tel que rapporté par La Tribune.
C’était d’ailleurs exactement le plan de la LHJMQ.
«On se fiait à notre expérience dans les Maritimes. On voulait appliquer sensiblement le même principe qui nous a permis d’y obtenir du succès. On a d’abord commencé avec une équipe à Halifax (1994), puis Moncton (1995), Cap-Breton (1997), Acadie-Bathurst (1998) et Charlottetown (2003).»
On ne le saura jamais, mais peut-être que Lewiston aurait encore son équipe si Bourque avait poursuivi ses démarches.

Toujours dans l’air
Les MAINEiacs sont bel et bien morts et enterrés, mais l’intention de retourner aux États-Unis, elle, est toujours vivante neuf ans après leur départ.
La LHJMQ explore encore le marché américain et rêve de s’y réimplanter un jour, soutient M. Courteau, mais disons qu’actuellement le contexte ne s’y prête pas vraiment.
«Il y a un marché. Il faut seulement l’exploiter de façon adéquate, ce qui demande du travail. Et il faut profiter d’un contexte favorable, ce qui n’est pas le cas actuellement.»
Pour ajouter au défi, le circuit cherche des arénas adéquats mais inoccupés.
«On a une mise à jour régulière sur les villes potentielles. On regarde les arénas disponibles, mais qui ne sont pas occupés par une équipe de la Ligue américaine et de la ECHL. On ne peut pas avoir deux équipes dans le même marché puisque c’est déjà difficile avec un seul club. On veut que des infrastructures soient déjà en place, mais qui ne sont plus en opération.»
C’est donc un chantier plutôt complexe.

«On n’est pas rendu là»
Au moins, rien ne presse. Après tout, la LHJMQ détient les droits exclusifs dans la région de la Nouvelle-Angleterre, dont le territoire s’étend sur six États (Maine, Vermont, New Hampshire, Massachusetts, Connecticut et Rhode Island), qui ont tous voté en faveur du candidat démocrate à la présidence des États-Unis, Joe Biden, soit dit en passant.
«C’est un territoire qui nous appartient encore et qu’on n’a pas oublié, affirme M. Courteau. Il manque simplement de propriétaires intéressés. Différentes personnes nous ont déjà approchés, mais les discussions n’ont pas été plus loin. Il n’y a pas de pourparlers en ce moment. On n’est pas rendu là.»
«C’est important de faire connaître notre produit aux États-Unis, mais malheureusement, l’idée ne s’est jamais matérialisée depuis le départ des MAINEiacs.»
La LHJMQ fait bande à part au Canada. Elle est la seule des trois ligues sans équipe au sud de la frontière. Ses rivales de l’Ontario (OHL) et de l’Ouest (WHL) comptent chacune des clubs dans deux États américains.
Dans l’OHL, il y a les Firebirds de Flint (Michigan), le Spirit de Saginaw (Michigan) et les Otters d’Erie (Pennsylvanie). Du côté de l’Ouest, on en retrouve cinq : les Silvertips d’Everett (Washington), les Thunderbirds de Seattle (Washington), les Chiefs de Spokane (Washington), les Americans de Tri-City (Washington) et les Winterhawks de Portland (Oregon).
M. Courteau ne ferme pas la porte à un retour éventuel à Lewiston, mais «ça prendrait un meilleur aréna puisque le Colisée Androscoggin Bank ne répond plus aux standards du jour».
