L’Impact de Montréal a fait son entrée en MLS le 10 mars 2012. C’était il y a plus de huit ans (déjà).
Au fil des années, cette équipe, soyons francs, nous a fait vivre des émotions aussi intenses qu’opposées. Avec tous les rebondissements que nous a offert le club, on a parfois l’impression qu’il évolue au sein du circuit Garber depuis 25 ans!
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La période Marco Di Vaio, la découverte de Nacho Piatti et la fantastique histoire qui s’en est suivie, le parcours en Ligue des champions de 2015, l’arrivée en grande pompe de Didier Drogba, les éliminatoires de 2016... Ces moments, tous aussi grandioses les uns que les autres, ne seront jamais oubliés par les partisans. Mais l’euphorie engendrée par ces merveilleux morceaux d’histoire a aussi un effet pervers.
Pendant plusieurs saisons, les irréductibles du Bleu-blanc-noir ont été choyés, soit par les résultats sur le terrain, soit par l’arrivée de joueurs ou de personnages légendaires, prometteurs ou excitants (voire les trois, dans certains cas!).
Mais voilà. Depuis trois ans, les performances sur la pelouse sont mitigées et les amateurs, devenus habitués (peut-être accros?) aux émotions fortes, ne reçoivent pas la dose de réussites et d’adrénaline à laquelle ils ont été habitués pendant les cinq premières années du club en MLS.
L’Impact, trop inconstant et en recherche continue d’une identité forte, ne s’est pas qualifié pour les éliminatoires de la coupe MLS depuis 2016. En excluant le triomphe (très impressionnant, il faut le dire) de l’an dernier en finale du Championnat canadien, le onze montréalais n’a pas donné grand-chose à ses partisans lors des dernières saisons.
Résultat? Le moindre faux pas du club déclenche maintenant une vague de négativisme et de remises en question dans la communauté IMFC. Peut-on en vouloir aux amateurs du club? Absolument pas! Ils sont en droit de vouloir que leur club performe.

Mais dans la vie comme dans le sport professionnel, il est parfois nécessaire de prendre un léger pas de recul pour comprendre (et accepter) certaines choses.
L’auteur de ses lignes, également très émotif et intransigeant lorsqu’il s’agit de discuter des performances de l’Impact, a pris l’initiative de téléphoner à l’analyste-soccer de TVA Sports Vincent Destouches.
Ce dernier a tenu à relativiser certains points. Pour Destouches, il est tout à fait normal que les partisans aient des attentes élevées envers leur club de coeur. Mais, tient-il à préciser, les arrivées de Thierry Henry et d’Olivier Renard dans le giron de l’équipe ont jusqu’ici démontré de belles choses et laissent entrevoir que le retour des jours heureux n’est peut-être pas si loin. Encore faut-il être patient, cependant.
Et c’est souvent cette portion du processus qui est la plus frustrante pour les fans...
Analyse complète du présent et du futur de l’Impact de Montréal avec Vincent Destouches.
Recherché : un avant-centre de qualité
Soyons francs : depuis le départ de Didier Drogba en 2017, l’Impact n’a jamais su aligner un avant-centre sachant se montrer décisif sur une longue période.
Maxi Urruti est un travailleur acharné et on ne peut rien lui reprocher sur le plan de l’effort, mais il n’a jamais su faire la différence dans le dernier tiers.
Anthony Jackson-Hamel a des qualités physiques évidentes et il a prouvé qu’il pouvait marquer en MLS, mais le passé a démontré qu’il était beaucoup plus performant lorsqu’utilisé en fin de match.
Après quelques essais, on a aussi compris que Bojan était davantage à l’aise sur le couloir que dans l’axe à jouer le rôle de buteur. Sa qualité de dribbleur est incontestable, mais son petit gabarit lui complique la vie face aux imposants arrières de la MLS.
Orji Okwonkwo, davantage employé comme ailier, a quelques fois été placé dans la chaise d’attaquant de pointe. Si sa vitesse n’a jamais été un problème, son manque d’aisance au niveau technique lui a déjà coûté (et lui coûte encore!) plusieurs buts.
Le sympathique Dominic Oduro avait sensiblement le même problème que lui.
Sinon, Matteo Mancosu a connu de bons moments avec l’Impact, mais il était à court de ressources sur le plan physique à la fin de son séjour.
Quincy Amarikwa? Un gaillard fort comme un bœuf, mais aux aptitudes techniques très douteuses...
Oh, il y a bien Romell Quioto qui effectue présentement une excellente besogne sur le front de l’attaque. Mais une équipe peut-elle vraiment aspirer au championnat avec ce joueur comme catalyseur?
Après avoir vu évoluer une légende comme Didier Drogba, il aurait été injuste, de la part des partisans, de s’attendre à ce qu’un deuxième métronome prenne tout de suite sa place.

Mais trois années ont maintenant passé sans que le moindre joueur ne soit en mesure de s’établir comme un buteur RÉGULIER au sein du club. Et ça, quoi qu’on en dise, c’est un problème. Qu’en pense Vincent Destouches?
«Ce n’est pas que l’Impact n’a pas dépensé pour aller chercher des attaquants. C’est que les dirigeants ont mal dépensé et ont pris de mauvaises décisions. Si l’on regarde parmi les cinq joueurs les mieux rémunérés de l’Impact, on retrouve d’ailleurs deux attaquants : Maxi Urruti et Bojan.
«Donc l’Impact n’a pas hésité à allonger les billets pour attirer des gars qui devaient marquer des buts. Mais si l’on discute franchement, le profil de ces joueurs n’était peut-être pas le bon pour l’Impact. Il faut donc remettre en question les décisions qui ont été prises à un moment donné. Sauf qu’à partir du moment où elles ont été prises, c’est n’est pas si simple que ça de défaire ce qui a été fait, surtout en MLS.
«J’entends souvent les gens demander un attaquant, mais tu ne peux pas empiler les joueurs. Encore moins lorsque tu vis dans une ligue où il y a un plafond salarial. Tout le monde est conscient qu’il y a un imposant manque sur le front de l’attaque. Mais ce problème, à priori, ne pourra être résolu qu’avec des départs, qui feront ensuite de la place sur la masse salariale de l’équipe.
«Ça prendra inévitablement des départs. Parce que les décisions ont été prises, mais elles ont été mal prises. Et c’est pour cela que l’Impact en paie le prix aujourd’hui.»
Les options
Vincent Destouches a mis le doigt sur le bobo en parlant de mauvaises décisions.
Plusieurs lucratifs contrats octroyés à des joueurs qui ne jouent pas à la hauteur de la valeur de leur entente empêchent l’Impact de progresser de façon significative.
La bonne nouvelle, c’est que ces contrats ne sont pas éternels. À ce sujet, que nous réserverons les prochains semaines/mois?
«L’entente d’Urruti sera encore valide en 2021. Celle de Bojan, toutefois, doit se terminer après cette saison. Bojan a une option pour l’an prochain, mais cette option ferait beaucoup de bien à un joueur désigné.
«Honnêtement, je crois que Bojan est le fusible le plus susceptible de sauter parce qu’il faut faire de la place et il n’a pas vraiment convaincu jusqu’ici. J’ai beaucoup de difficulté à croire que l’Impact conservera ses services et le nommera joueur désigné l’an prochain.
«En quittant, Bojan libérerait une certaine marge financière et l’Impact pourrait alors recruter. Idéalement, il faudrait qu’il y ait quelques autres départs parmi les gros salariés de l’équipe pour qu’Olivier Renard dispose d’une plus grande latitude.»
De gros projets pour l’attaque?
Et quand l’argent redeviendra disponible, les choses pourraient rapidement devenir intéressantes, mentionne l’analyste.
«Je ne peux pas dire qui va venir, mais je peux te confirmer, et je le sais de bonnes sources, que Thierry Henry a reçu beaucoup d’appels de joueurs qui voudraient venir le rejoindre à Montréal. Un peu comme ça a fonctionné avec Victor Wanyama.
«Depuis le début de l’ère Henry-Renard, on nous martèle qu’il est important de compter sur des jeunes à fort potentiel. Le meilleur exemple de ça, selon moi, c’est Luis Binks. Justement, il y a quelque chose qu’on n’a peut-être pas assez développé chez l’Impact et c’est d’attirer de jeunes joueurs désignés au sein du club.
«Il y a donc, selon moi, deux options dans cet objectif de revitalisation du front de l’attaque. Soit on arrive à faire venir un joueur confirmé via le vaste réseau de Thierry Henry, soit on déniche une jeune pépite via celui d’Olivier Renard, et on évalue la possibilité de lui octroyer le titre de joueur désigné.»
À quoi s’attendre de l’Impact?
On le disait précédemment, les trois dernières années n’ont pas été les plus glorieuses pour l’Impact de Montréal.
Lorsqu’on lui demande quels types de saisons pourrait nous offrir le club dans les prochaines années, Vincent Destouches y va d’une très intéressante projection.
«L’accumulation de déceptions et de défaites a rendu la communauté de partisans de l’Impact extrêmement fragile. Parfois, on réagit même avec trop d’émotivité. On est rendus allergiques aux mots «projet», «patience» et «plan». En bout de ligne, il faudra attendre et laisser la nouvelle direction travailler lors des mercatos.
«Les partisans, je le sais, ont déjà entendu ces mots-là dans le passé et ils n’ont pas été satisfaits. Mais c’est malheureusement la recette pour progresser. Il ne faut pas se montrer cynique après chaque défaite...»
Destouches poursuit :
«Depuis l’arrivée d’Henry et Renard, il y a un plan. Mais tu ne peux pas transformer un effectif du jour au lendemain. Je regarde les dernières semaines et on a quand même été en mesure d’attirer un joueur confirmé de Tottenham dans la fleur de l’âge (Wanyama). Ça montre qu’on s’en va dans la bonne direction. Mais encore là, je me répète, mais les gens devront être patients.»
L’analyste pousse ensuite son évaluation en soulignant certains cas assez probants en MLS.
«Regardez le Minnesota. Après deux saisons très difficiles, l’équipe devient très belle. Et les dirigeants n’ont pas tout changé! Orlando, en une seule saison morte, est en train de devenir un club très sérieux dans l’Est.
«Thierry Henry n’arrête pas de citer le cas de Jurgen Klopp, qui a mis quatre ans pour établir sa philosophie et remporter des trophées. Je ne dis pas que ça prendra quatre ans à l’Impact, mais à l’arrivée d’Henry, le club n’avait pas participé aux éliminatoires depuis trois ans. Et l’effectif n’a pas encore été changé de beaucoup.
«Si l’on analyse en profondeur, sans mettre nos émotions sur la table, regardons les meilleurs joueurs de cette année chez l’Impact. Binks, Wanyama, Waterman, Maciel, Quito et Ballou sont tous issus du recrutement d’Henry et Renard. Il y a des signes encourageants. Mais on ne peut effacer plusieurs erreurs du passé en claquant des doigts. Peut-être que si on laisse deux ou trois mercatos aux nouveaux dirigeants du club, on aura une équipe décente.»

Devenir «l’Atalanta de la MLS»
Vincent Destouches termine en mentionnant l’importance de «connaître sa place dans l’échiquier». Pour lui, il n’est pas nécessaire de dépenser des millions de dollars pour rivaliser avec les meilleurs.
Il cite en exemple le cas d’une équipe italienne ayant connu un parcours Cendrillon cette année en Ligue des champions de l’UEFA.
«L’Impact de Montréal ne sera jamais le LAFC, Atlanta ou Toronto dans la manière de faire. Il n’y aura pas de gros chèques de 10 à 15 millions de dollars. Ce n’est pas le plan, ni le projet.
«Mais il y a d’autres façons de parvenir à ses fins. Le projet le plus excitant d’Europe, actuellement, est celui de l’Atalanta. Ils sont dans le top cinq de l’Italie et ont atteint les quarts de finale de la Ligue des champions de l’UEFA, mais avec une autre manière de faire, que l’Impact devrait peut-être imiter : découvrir des joueurs au grand potentiel et se construire une identité offensive.
«L’Impact devrait peut-être tenter d’être l’Atalanta de la MLS, parce qu’on sait que le club n’en sera jamais la Juventus. On n’a pas cette mentalité et cette façon de faire ne nous correspond pas.»
Vincent Destouches conclut en s’adressant directement aux amateurs.
«Laissons Thierry Henry et Olivier Renard travailler. Déjà, parce qu’on n’a pas le choix. Mais surtout parce que le peu qu’ils nous ont montré, jusqu’ici, a été satisfaisant. Je demande à en voir plus et j’ai hâte de connaître la suite. Il faut simplement espérer qu'on leur laisse le temps de mener leur projet à terme. Après tout, le roulement au sein de l'équipe de dirigeants a été assez important, dans les dernières années...»