Pour plusieurs joueurs de la LHJMQ, la fin forcée de la campagne 2019-2020 laisse un goût amer. Pas seulement sur le plan passionnel. Plusieurs jouaient, croient-ils, pour la carrière professionnelle à laquelle ils aspirent.
Devant ce dénouement en queue de poisson causé par la pandémie de COVID-19, les hockeyeurs du circuit Courteau dans pareille situation souhaitaient obtenir une dernière audition pour impressionner la délégation de recruteurs en vue du prochain repêchage. L’encan Lafrenière.
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«C’est certain que c’est plate que la saison soit terminée, admet le recruteur des Blues de St. Louis Michel Picard. J’adore regarder les séries de la LHJMQ. J’avais hâte de voir des clubs comme Chicoutimi, Moncton et Rimouski, qui ont construit de fortes équipes.
«Mais je connaissais pas mal tous les joueurs du Québec. La plupart des tops sur la liste de la Centrale de la LNH ont joué à 16 ans. Donc ce n’est pas comme si j’avais manqué d’occasions de les voir. Je les connais.
Le prochain repêchage devait certes offrir ce qu’il y a de plus prestigieux pour les espoirs d’ici, qui avaient tous rendez-vous au domicile des Canadiens de Montréal. Mais le destin en a décidé autrement et on ignore toujours où, quand et comment sera présentée la séance.
Si l’angoisse est bien ressentie pour ces jeunes à l’ambition fragile, c’est tout autre pour les éclaireurs de la LNH au niveau amateur. Leurs listes sont prêtes - ou presque - à être soumises pour compiler le tableau de leurs organisations respectives. Non, la COVID-19 n’a pas mis en péril les fruits de leur travail.
«À la base, le défi était surtout au niveau organisationnel, explique Jean-Philippe Glaude, des Predators de Nashville. Il faut se structurer pour fonctionner dans les prochaines semaines.
«On ne peut pas rester dans notre bureau sans savoir ce qu’on fait et on a trouvé un excellent fonctionnement depuis une dizaine de jours.»

Une solide base de données
Alors que la présente crise planétaire offre une panoplie d’incertitude et d’inquiétude, l’éclaireur trifluvien assure que les joueurs admissibles au prochain repêchage pouvant susciter l’intérêt au Tennessee sont répertoriés dans ses notes et ça ne date pas d’un mois, voire deux.
«On a gardé nos esprits et idées claires en ce qui a trait aux joueurs auxquels on s’intéresse. Il faut que tu fardes un bon feeling. Il faut que tes impressions restent claires. La vidéo aide à faire ça.»
Même son de cloche à Sherbrooke, où le vétéran recruteur des Penguins de Pittsburgh Luc Gauthier s’est adressé à l’auteur de ces lignes entre deux coups de pinceau à son domicile, en confinement, plutôt que d’épier des talents du Québec et des Maritimes.
«On a vu 90% des saisons de toutes les ligues imaginables, précise-t-il. On a beaucoup de documentation sur les joueurs qu’on observe sur la patinoire.
«On va réussir à monter une liste avec laquelle on très à l’aise, avec laquelle on aura du succès. Mais on sait aussi que ce n’est pas une science qui nous dit toujours la vérité. On travaille tous les jours. On parle à différents intervenants. Au bout de la ligne je suis conscient qu’on va faire le bon choix.»

Six heures de vidéo par jour
Les événements sportifs suspendus, les camps d'évaluation comme le Combine sont annulés et toutes les rencontres individuelles fixées sont écartées. Tous se tournent donc vers la technologie pour faire leurs devoirs.
Dans une téléconférence organisée mardi par le Club de hockey Canadien, le directeur général adjoint Trevor Timmins, le gourou du recrutement du Tricolore, a affirmé qu’il se livrait à six heures de visionnement par jour à sa résidence de la région d’Ottawa.
Comme Michel Picard, il reconnait que l’annulation des éliminatoires enlève un critère de sélection aux recruteurs. Non seulement pour les espoirs admissibles au repêchage, mais ceux qui appartiennent déjà à l’organisation.
«C’est un gros rendez-vous raté pour nous, surtout les éliminatoires dans la Ligue canadienne de hockey, a avoué le bras droit de Marc Bergevin.
«C’est important de voir comment ces joueurs performent en séries avec la hargne et la pression qu’on témoigne dans ces quelques matchs. C’est quelque chose que nous ne pourrons voir.»

Ne pas se tromper
En revanche, le bond que fera un jeune s’il connait des séries productives ou non n’est pas assez important pour compromettre son rang de sélection.
«Dans notre évaluation, un espoir du premier tour ne va pas glisser s’il a eu de mauvaises séries, clarifie Luc Gauthier. Il va peut-être baisser d’un rang ou deux. Il va rester dans le (top 31).
«Ça peut avoir une influence, mais pas énormément.»
Jean-Philippe Glaude offre une précision en ce sens : «Tu n’auras pas la chance de les voir dans un match numéro 7 où le pointage est de 2-2.
«Ça va manquer dans notre évaluation, mais nous les recruteurs, même si le joueur n’est pas admissible au repêchage, c’est notre job de le regarder et d’avoir le feeling sur tous ces joueurs-là.
«On a ciblé les joueurs qu’on aime. On sait exactement où on s’en va. On passe notre temps à obtenir le maximum d’information. Avec un choix de premier tour, tu ne veux pas te tromper.»
En télétravail
Qu’ont en commun tous ces recruteurs chevronnés? Ils sont tous dans leurs valises à cette période de l’année. Les plans ont changé. Leurs méthodes de travail également. Par la force des choses.
Et les entrevues avec les joueurs, comme l'a confirmer le directeur de la Centrale Dan Marr, mercredi, se fait par appel vidéo. Les rencontres entre les décideurs des organisations aussi.
«Nous ne sommes pas à la maison en train de regarder des films comiques, a insisté Trevor Timmins. On travaille du mieux qu’on peut pour repêcher le meilleur joueur possible et aider l’organisation à s’améliorer.»
Michel Picard l’explique dans des mots plus directs.
«On veut toujours sélectionner le joueur qui, l’on pense, nous aidera à gagner la coupe Stanley...»
Avec la collaboration de Stéphane Turcot, à Québec.