En juin dernier, Geoff Molson a célébré le 10e anniversaire de son acquisition du Canadien de Montréal, alors propriété de George Gillett. Une décennie qui a vu le Tricolore atteindre la demi-finale de l’Association de l’Est à deux occasions, mais qui l’a vu flirter avec les bas-fonds du circuit, également à deux occasions.
«On a connu des hauts et des bas, mais c’est normal sur une période de 10 ans. Surtout à l’époque du plafond salarial, a déclaré M. Molson, au cours d’une généreuse entrevue accordée au Journal de Montréal. Regardez ce qui se passe à travers la ligue. La saison n’est même pas commencée et les équipes éprouvent des difficultés à mettre des joueurs sous contrat et à respecter le plafond salarial.»
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En ouvrant les portes de son bureau du septième étage au Centre Bell, le propriétaire du Canadien a accepté de s’ouvrir sur sa confiance reconduite envers Marc Bergevin et Trevor Timmins, malgré les passages difficiles, sur la relation du Canadien avec les partisans et les médias, ainsi que sur l’avenir de l’équipe qui, selon lui, est très prometteur.
Question: Êtes-vous satisfait de ces 10 premières années?
Pas entièrement parce qu’on n’a pas réussi à accomplir l’objectif ultime. Mais si je regarde les transitions qui ont été faites, comme celle d’il y a deux ans où ça prenait des changements, je suis satisfait. Je pense qu’on s’est amélioré beaucoup plus rapidement qu’on pensait et j’ai vraiment hâte de voir cette équipe cette année.
Depuis 2009-2010, le Canadien se classe 13e pour le nombre de participations aux séries et 12e pour le nombre de rondes jouées. Vous savez qu’à Montréal, c’est difficile de se considérer comme une équipe de deuxième tiers.
Le deuxième tiers, ce n’est pas satisfaisant. Par contre, si on refait le calcul avec les huit premières années, on est dans les six à huit premiers (6e pour le nombre de participations et 9e pour le nombre de rondes). Si on est encore 12e dans quatre ans, là, j’aurai un problème. Les deux dernières années ont été difficiles. Quand une équipe prend la décision de faire un «rebuild» [reconstruction] ou un «retool» [changement d’effectif], il faut accepter que ce soit difficile pendant un certain temps.
Q: En 2011-2012, l’équipe a terminé au 28e rang avec 78 points. Vous aviez alors apporté plusieurs changements à la direction et derrière le banc. Il y a deux ans, l’équipe a également terminé au 28e rang, cette fois avec 71 points. Pourquoi ne pas avoir procédé à un autre ménage ? Qu’est-ce qui vous donnait confiance en Marc Bergevin et son groupe ?
Marc est très bien entouré. Quand on évalue un DG, il faut regarder plus large que le résultat d’une saison. Il faut évaluer une période. À l’époque, j’ai pensé, et je le pense encore, que j’avais la meilleure personne en place pour essayer d’atteindre le but ultime. Marc est quelqu’un de très respecté dans la Ligue nationale (LNH), par tous les autres DG. Ses transactions au fil des sept dernières années, ce n’est pas pire. Il a très bien réussi. Tous les DG dans la ligue font des erreurs. C’est normal. Il faut les limiter. Jusqu’à maintenant, je vois un DG qui sait s’entourer. Les décisions qu’il prend sont très fortes.
Q: Et Trevor Timmins et son équipe de recrutement? Le taux de succès n’était pas très élevé à moment-là. Qu’est-ce qui vous a permis de garder la foi en ce groupe ?
En 2017, nous avons repêché beaucoup de joueurs qui ont le potentiel de jouer dans la LNH. Certains ne sont pas encore là, mais tout le monde dit que ça s’en vient. Il faut admettre que dans les 10 dernières années, on a fait de bons choix. Mais il y en a qui n’ont pas réussi. Et on n’est pas la seule équipe à qui ça arrive. Sous Trevor, si on regarde les rondes 2 à 7, je pense qu’on est pas mal fort.
Q: Pourtant, après 2007, l’année de repêchage de Ryan McDonagh, Max Pacioretty et P.K. Subban, il y a eu une période plutôt tranquille jusqu’en 2017.
Il y a eu des situations positives. Mikhail Sergachev (1re ronde, 2016) nous a amené Jonathan Drouin. Donc, il avait une valeur. Alex Galchenyuk (1re ronde, 2012) nous a amené Max Domi. Ce n’est pas pire aussi. Et je pense que pour les repêchages de 2017, 2018 et 2019, ça va bien, incluant les choix de deuxième et troisième tours comme Victor Mete.
Q: Donc, vous avez toujours gardé confiance?
Oui. Trevor et son équipe travaillent vraiment fort. C’est facile de trouver un choix et de le critiquer. C’est normal de le faire, mais au fil des ans, je trouve qu’il a fait un très bon travail.
Q: Récemment, vous avez affirmé que l’équipe pourrait accomplir de grandes choses au cours des trois à huit prochaines années. Ça veut dire quoi, «de grandes choses» ?
On a commencé à le voir l’an passé avec l’arrivée de Jesperi Kotkaniemi et de Max Domi. Même la transaction avec Vegas (l’acquisition de Tomas Tatar et de Nick Suzuki) a accéléré nos performances. Peu de gens étaient optimistes au début de la dernière saison.
Aujourd’hui, la plupart le sont.
Voici pourquoi j’identifie les trois à huit prochaines années : dans les trois prochaines, on va peut-être bien performer, mais on est très jeune. On est encore en mode croissance. Si j’ajoute les vétérans aux jeunes qui s’en viennent, je pense qu’on va avoir une très bonne équipe.
Q: Combien de coupes Stanley au cours de cette période ?
Autant que possible, mais je ne peux pas répondre à cette question. Regardez ce qui s’est passé lors des dernières séries éliminatoires. Dans la première ronde, les quatre meilleures équipes ont été éliminées.
Q: Quelle est la plus grande différence entre votre époque et celle où votre famille était propriétaire ?
La grande différence, ce sont les médias sociaux. La visibilité que j’ai comme propriétaire est beaucoup plus élevée que celle qu’avait mon père. Chaque fois qu’on dit quelque chose, qu’on parle aux médias, ça sort. Tout sort tellement rapidement et fréquemment qu’il faut travailler encore plus fort pour bien représenter la marque.
Q: Parlant de médias sociaux, est-ce que tous ces Habs TV, compte Twitter de l’équipe et autres comptes Instagram ne viennent pas contribuer, en quelque sorte, à l’impression de l’omniprésence des médias ? Les joueurs ont toujours une caméra ou un téléphone dans le visage, même quand les médias traditionnels ne sont pas là.
Ç’a changé rapidement. Mais les jeunes joueurs qui arrivent, et c’est pareil partout dans la ligue, n’ont pas peur de faire des égoportraits, de parler devant leur téléphone et de «poster» sur Instagram. On est encore dans une période de transition où des vétérans ne veulent toujours pas s’impliquer, mais ils sont de plus en plus à le faire.
Q: Quelle est votre philosophie en ce qui concerne les médias?
J’ai beaucoup appris dans mes premières années. C’était complètement nouveau. Le plus grand ajustement qu’on a fait, c’est quand j’ai réalisé que c’était impossible de se cacher. Ça prend seulement une personne qui apprend quelque chose pour que ça se retrouve partout. Alors, on a mis en place un processus. J’ai rencontré beaucoup de journalistes pour avoir du «feedback» [réaction]. On s’est ajusté pour communiquer le plus possible sans mettre un joueur à risque ou nuire à l’équipe. Pour une blessure, on est mieux de protéger le joueur. Par contre, quand il y a une nouvelle importante, trouvons une façon de la divulguer de la bonne façon.
On fait un bon travail avec nos joueurs pour les préparer à la saison parce que c’est exigeant. C’est après chaque match. Même chose pour l’entraîneur. Alors, on les encourage à avoir un peu de plaisir. On les encourage aussi à garder une certaine gêne sur certaines choses pour ne pas nuire à un coéquipier ou à l’équipe.
Q: La situation s’est améliorée un peu depuis l’an dernier. Toutefois, ne croyez-vous pas que c’est beaucoup plus l’organisation que les médias eux-mêmes qui rendent les joueurs nerveux ?
On met l’emphase sur l’importance de bien communiquer. Au cours de mes 10 années avec le Canadien, que ce soit avec Donald Beauchamp ou Paul [Wilson], nous n’avons jamais dit à un joueur ce qu’il devait dire. Jamais. Parfois, on leur donne une suggestion. Cependant, les joueurs sont libres de dire ce qu’ils veulent. On les encourage à bien communiquer.
Q: Votre meilleur moment depuis que vous êtes en poste?
Les deux finales d’association. La première fois, en 2010, c’était une surprise. Je me promenais dans la rue, on perdait trois matchs à un contre Washington. Un automobiliste s’est arrêté et m’a lancé : « Hey ! Monsieur Molson, vous devez faire quelque chose avec votre équipe ! »
J’aimerais revoir cet homme. On a perdu rapidement contre Philadelphie, mais la ville rayonnait !
C’était incroyable!
La seconde fois, en 2014, c’était moins une surprise. Nous avions une équipe aspirante à la coupe Stanley. Puis, il y a eu cette blessure à Carey Price. Ça nous a fait très mal.
Q: Pensez-vous que vous vous seriez rendu jusqu’au bout avec Carey Price?
Je pense que oui.
Q: Le meilleur joueur des 10 dernières années? Vient-on de le nommer?
Oui.
Q: Le joueur le plus excitant?
Il y en a plusieurs, mais j’adore voir Brendan Gallagher travailler sur la patinoire. Il est toujours à 100 %. Que ce soit dans les coins, devant le filet, il est excitant à voir jouer.
Q: Où vous voyez-vous dans 10 ans?
Ce qui est certain, c’est que j’aurai 59 ans. J’adore ce que je fais et je mets beaucoup d’efforts à bien le faire pour nos partisans qui veulent [nous voir] gagner. Je vais continuer de le faire. Et chaque jour, je vais toucher du bois pour avoir la santé et des victoires. J’espère avoir beaucoup plus de victoires.