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Brésil 2016

«Tous ces sacrifices-là depuis quatre ans pour finir septième...»

Agence QMI / Denis Poissant 

Publié | Mis à jour

S’il y a un gars qui n’a pas peur de livrer ses émotions, c’est bien Antoine Valois-Fortier. Le judoka avait versé des larmes de joie après sa médaille de bronze surprise à Londres en 2012. Cette fois-ci, à Rio, c’est la déception qui l’a fait pleurer.

L’athlète de 26 ans voyait l’or dans sa soupe depuis quatre ans. C’est ce qui le motivait à sortir du lit tous les jours pour s’entraîner comme un défoncé.

Et là, après sa défaite hier après-midi en ronde de repêchage contre le champion du monde, le Japonais Takanori Nagase, 22 ans, c’en était trop.

Allongé au centre du tatami de l’Aréna Carioca 2 après le ippon fatal porté par cette machine de judo, Valois-Fortier a commencé à passer en revue dans sa tête tout le chemin parcouru depuis cette belle promenade sur le podium anglais.

Il a rattaché la ceinture noire de son judogi bleu en gardant la tête haute, a fait le salut dans les règles de l’art à tout le monde, puis a emprunté le couloir pour se diriger vers les journalistes.
Sacrifices

La pression retombait. Les émotions remontaient.

Le fier athlète ne s’est pas retenu. Il a pleuré en répondant patiemment à chacune des réponses, comme il en a l’habitude.

«J’ai de la misère à me dire que j’ai fait tous ces sacrifices-là depuis quatre ans pour finir septième, a-t-il confié du fond du cœur.

«Ma famille, ma copine, mes études...» a-t-il ajouté dans un sanglot.

Un athlète de son niveau passe beaucoup de temps à peaufiner son art, loin des siens, de son foyer, de ses proches. C’est le prix à payer quand on rêve de remporter l’or.

«C’était une belle opportunité de me prouver à moi-même que je pouvais être le meilleur dans ce que je faisais, explique-t-il. Chaque jour, j’avais Rio en tête. C’est juste bien décevant. Aujourd’hui, c’était finalement la journée. Mais malheureusement ce n’est pas arrivé pour moi.»

Parcours difficile

Valois-Fortier n’a pas été chanceux, vraiment pas, dans tout cela. Il aurait tout aussi bien pu décrocher l’or, mais les circonstances s’y sont opposées, dès le tirage au sort.

Son premier combat l’a opposé à Loïc Pietri, 25 ans. Le défi n’était pas mince.

Pietri avait raflé l’argent au Championnat du monde de judo 2015, devant Valois-Fortier (bronze). Pietri avait aussi été sacré champion du monde en 2013. Agressif, le Québécois a eu le meilleur 1-0.

Tous les espoirs étaient alors permis.

Il a ensuite défait un autre coriace rival, l’Argentin Emmanuel Lucenti, 31 ans, en revenant d’un déficit de 0-10 (chacun a porté un waza-ari, mais les pénalités de Lucenti ont causé sa défaite).

Mais en quarts de finale, le Russe Khasan Khalmurzaev a eu le meilleur sur Valois-Fortier, le reléguant à la ronde de repêchage au lieu d’une participation à la demi-finale qui lui aurait assuré l’argent. Un dur combat qui a nécessité une prolongation. La défaite par waza-ari est survenue après seulement 26 secondes.

Khalmurzaev a plus tard gagné l’or, l’Américain Travis Stevens l’argent, et les deux médailles de bronze sont allées à Nagase et Sergiu Toma (Émirats arabes unis).

Dur contre les Japonais

L’autre malchance, c’est que le Japonais a aussi subi une rare défaite en matinée l’envoyant sur le chemin direct du Québécois.

«Après ma défaite contre le Russe, je n’ai pas été en mesure de me reconcentrer comme il le fallait par la suite, admet Valois-Fortier. Et j’ai toujours eu de la misère contre les Japonais, j’ai une mauvaise fiche contre eux. Cela m’a compliqué les choses.»

À Tokyo en 2020

Il s’accordera maintenant une bonne période de repos. «Je ne ferai pas de judo dans les prochaines semaines, ça, c’est sûr.»

Cela dit, le judoka n’a pas l’intention d’abandonner.

«On recommence un cycle de quatre ans avec Tokyo en tête. L’objectif ne change pas, monter sur la plus haute marche du podium.»

À défaut d’y être parvenu à Rio, Valois-Fortier peut marcher la tête haute.

Dans la victoire comme dans la défaite, voilà un athlète qui livre toujours le fond de sa pensée et de son cœur. Une rareté dans le monde professionnel, de nos jours.